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Claire (1886-1973)

9 février 2012

Mardi 29, 10h du matin

Je n'aurais jamais cru l'avoir fini si tôt, ce journal. J'ai remué tout l'appartement, je suis montée au grenier pour chercher un cahier que je croyais avoir apporté. Encore un jour où tout m'ennuie, j'aurais envie de me peindre.

J'ai essayé et ne suis arrivée à rien. Voilà donc un cahier de fini, c'est la dernière page. Je suis très fière d'avoir écrit tant de choses. Ne suis-je pas un peu poète? Les poëtes sont ceux que la moindre chose fait rêver, ils écriraient des volumes sur une feuille tombée, sur le grincement d'une porte, petits évènement journaliers qui passent inaperçus aux yeux de bien des personnes. Sans doute c'est le rêve, mais le rêve fait bien avec la réalité.

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9 février 2012

Dimanche 23, 3h du soir

On comprendra que je n'ai pu écrire que trois lignes hier, j'avais fait cinq pages de résumé sur Tolstoi!! De quoi avoir une indigestion! J'entends en ce moment les cloches qui sonnent à toute volée et le gazouillement des oiseaux. Ce carillon de cloches me rappelle les dimanches de Cormeilles, puis ceux de Marseille. Je ne trouve pas cela très gai quand on reste dedans;  le dimanche est un jour de désoeuvrement quand on ne sort pas, on s'ennuie. J'ai visité ma boite aux trésors, elle est toute parfumée par une lettre. Il s'en dégage une discrète odeur de musc et d'iris. (On ne peut que gagner en bonne compagnie).  Je m'aperçois que j'ai toutes les qualités et surtout... les défauts des poëtes. Ma distraction est  de ces derniers, l'autre jour, j'ai dit "bonne nuit"  à Tante qui revenait d'une course à six heures du soir; aujourd'hui, j'allais recouvrir un pot de lait avec un tout petit couvercle  qui a failli tomber dedans!

même jour 8h 1/2 - Nous sommes tout de même sorties, avec un parapluie ce que je trouve amusant une fois par hasard j'ai écrit quelques mots à Marie Gallo et lui envoie mes confidences. A cette question : Quel est pour vous le meilleur délassement? j'ai répondu : rêver et écrire ce que je rêve. C'est peut-être une exagération, un petit mensonge poétique comme dit E. de Guérin. C'est pourtant vrai, mais quelquefois, pas toujours.

Mon Oncle est un peut souffrant, i lest resté au lit. Je ne crois pas être taillée dans le marbre qui fait les heureux, car pour l'être moi-même il faut que ceux qui m'entourent le soit, qu'ils ne souffrent pas, qu'ils n'aient ni soucis, ni chagrins; chose assez difficile. Mais l'habitude n'est-elle pas une seconde nature, je ne sais plus qui a dit cela. Oui! on s'habitue à tout, on peut tout, quand on veut. Au revoir, mon ami.

9 février 2012

Samedi 22, 7h du soir

Rien qu'un mot pour garder le souvenir d'une bonne et pieuse journée. Bonsoir, mon journal.

9 février 2012

Vendredi 21, 8h 1/2

Je viens de faire la sainte communion chez Mr l'Abbé et vais partir dans un moment pour ma leçon de piano. Je me suis mise ici sans savoir ce que j'allais dire, je fais presque toujours ainsi et les idées me viennent peu à peu. Hier, nous sommes allées à une conférence sur Tolstoï, je ne sais si je ne serai pas trop paresseuse pour en faire le résumé.

même jour, 8h1/2 du soir - L'aiguille a fait le tour du cadran depuis que j'a quitté la plume, encore une journée de passée. Je n'ai pas fait grand'chose, Mme Sehpeh est venu passer l'après-midi avec son bébé, le chapitre des bonnes a été longuement parcouru. Quelle plaie que ces bonnes !!! Mais ce que je dis n'est quère intéressant; tout m'ennuie, aujourd'hui : lecture, piano, raccommodage, oisiveté. On n'a pas pu sortir, car il a fait un orage. Dieu! que cet orage m'a pesé sur les épaules! Je ne puis entendre le tonnerre sans avoir peur. Enfin, ce soir je suis plus calme, heureusement! J'ai relu mon journal et je trouve qu'il est bien mal écrit au commencement, cela ne vaut pas même la peine d'être gardé, le prochain cahier sera peut-être plus convenable, il y a commencement à tout. Je te donne l'accolade fraternelle, mon ami. Que Saint Joseph nous protège, à demain... 

9 février 2012

Jeudi 20, 10h du matin

J'écris maintenant, c'est le seul moment que j'ai de libre : le soir on rentre trop tard, il faut diner, il faut se coucher. On parlait hier chez les dames Scala des personnes qui garderaient leurs lettres; les unes étaient pour qu'on les brule, les autres pour qu'on les garde. Eh bien: moi, je suis pour ceux qui les consevent; toutes celles que je reçois, je les mets précieusement dans un coffret à coté de mes trésors bijoux et argent, et elles en font partie naturellement. Et mon journal, faudra-t-il  que je le détruise un jour?

Tante a reçu une lettre de Papa, je viens de la lire. J'en reviens à mon journal, j'espère bien ne pas le bruler. Le ferais-je longtemps? Je ne sais, il me faudrait pour cela, du temps, du bonheur, une vie calme et j'ignore si ce sort m'est reservé. Il est sage que nous ne connaissions pas l'avenir et que nous n'ayons que l'espèrance qui fait vivre.  Assez de profondeur comme cela, je vais au piano.

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9 février 2012

Mardi 18, Mercredi 19 - 1h

Rien que la date hier, j'ai vu que je ne dirais rien d'interéssant. Je m'étais confessée au Père de Rivols le matin et l'après-midi j'étais allée voir les d.elles de la Roque.

Ce matin je me suis levée à 6h20 pour communier à la messe de 7h aux Dominicains. Me voilà donc sanctifiée. Que c'est agréable de sortir si tôt de respirer cet air frais et pur qui ne semble pas avoir encore été empesté par les poussières des voitures, ni respiré par beaucoup de personnes. Il fait un temps superbe, nous irons nous asseoir au Grand Rond.

3 février 2012

même jour, 6h 1/2

Il y a quelque chose que je voulais dire depuis que je suis ici, mais malheureusement je n'y pensais que la nuit et jamais le jour. Maintenant que je m'en souviens,  je me hâte de l'écrire.

Le premier soir où je suis arrivée, j'ai vu ma photographie a coté de celle de Renée dans la chambre de Tante. Je dois avoir 3 ou 4 ans sur cette petite photographie. Il m'a semblé que j'entrais chez moi, puisque j'étais déjà dans ce petit cadre et cela m'a fait plaisir. Il y a de ces petits rien qui disent beaucoup, ils sont plus éloquents que des paroles. Ces signes sont comme le vent subit qui précède un orage, comme ces nuits limpides qui annoncent une belle journée. Je tacherai qu'on ne voit pas ce que je viens d'écrire. Je suis allée visiter avec Renée et Valentine le jardin botanique, toutes les plantes ont un écriteau blanc qui indique leur nom ce qui fait ressembler a un cimetierre ce jardin de fleurs et de plantes rares. En ce moment très peu ont fleuri, mais un beau magnolia attire a lui tous les regards; sans aucune feuille, immaculé, tout drapé de blanc, il fait penser à une mariée dans tous ses atours.

Mais je m'oublie à cette longue causerie, bonne nuit, mon journal et que Dieu soit béni...

3 février 2012

Lundi 17, 9h du matin

Je me suis réveillée dans les fleurs, je rêvais un champs de paquerettes roses et de violettes de Parme.

même jour, 3h 1/2 - Oh! le beau temps. L'air est tiède un peu frais cependant à l'ombre, mais le soleil brille joyeusement; toute la nature est en fête. Je viens de lire Eugénie de Guérin et j'avais un peu mal à la tête, c'est pour cela que je suis venue écrire. Oh! je ne me fatigue pas l'esprit quand je parle à mon journal, mes pensées coulent aussi facilement que la source dans les bois.

Je viens de faire cette poésie:

 

Bienvenue à l'été

 

Salut, salut, joyeux été!

Apporte nous les féeries,

Les parfums et les voluptés

Qui sont au fond de l'Arabie.

 

Mets dans mon coeur la poësie;

La joie, mets-la dans mes yeux,

Que ton beau soleil vivifie

les fleurs qui sourient aux cieux.

 

O toi! saison prédestinée

Ton charme m'inspire aujourd'hui,

Enchante ma seizième année

Et rends-moi ceux que je chéris...

3 février 2012

Dimanche 16, 8h 1/2

Bonne journée, meilleur que je ne saurais le dire. C'est sans le vouloir que j'ai pris une encre différente, je pourrai reconnaitre cette journée entre toutes. Ce soir, le piano m'empêche d'entendre le tic tac. Nous sommes allées entendre la musique au Grand Rond, nous y avon srencontré les Dames Scala. A midi, Valentine a diné avec nous et nous avons mangé un gâteau pour fêter un peu tardivement mes seize ans et les 18 de Renée.

Je n'avais pas bien envie d'écrire, mais quelque chose m'y attire toujours à ce journal. J'ai vu avec plaisir que les jours ont allongés, qu'il me tarde d'être à l'époque où l'on peut diner le soir sans lampe. Non, tout de même,  ce n'est pas ce que je désire le plus, c'est un peu secondaire. Entre autres choses que je désire bien vivement, il y a la visite de Papa qui viendra probablement vers le 15 avril. On va faire la prière. A demain...

3 février 2012

Samedi 15, 8h 1/2 du soir

C'est très gentil, nous sommes Renée et moi, assisent l'une à coté de l'autre à une table dans le cabinet de mon Oncle. Je dicte à Renée l'Etoile du Soir d'Alf. de Musset. C'est ce qui s'appelle faire deux choses à la fois!..

Presque rien à dire ce soir, je cherche en vain  quelque chose. En ce moment cependant on peut se recueillir, on entends que le tic tac de la pendule, quelques tramways qui passent.... l'inspiration ne vient pas. Le doux tic tac chante à mon oreille sa mélodie discrète et familière, peine perdue. Neuf heures sonnent, passe une bonne nuit dans ton pupitre, petit journal, en compagnie de ma plume. Je vais vite m'enfiler dans mes draps, adieu....

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Claire (1886-1973)
  • Parfois le soir à l'heure où tout se tait un ange aux ailes d'or en passant vous effleure glissant dans l'ombre invisible et discret d'une voix caressante douce, il dit : "Du rêve voici l'heure"...
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