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Claire (1886-1973)
23 avril 2011

Novembre

Dimanche soir - Le 1er, j'ai fait la Sainte Communion; en revenant nous avons travaillé aux couronnes, j'ai fait celle de la pauvre Mariet. Après Vêpres on a fait la procession au cimetierre, nous avons prié pour les chers disparus le grand'père Emmanuel, la grand'mère de la Boissonade, l'Oncle et la Tante Boutan et la Cousine Claire. Quoique je ne les aie pas connus, je me suis mise de tout mon coeur aux prières de mes Tantes.

Ce matin je suis allée à la grand'messe avec Bonne Maman, cette après-midi en revenant des Vêpres nous avons trouvé à la maison  les dames de Broche, la mère et les trois filles qui étaient venues nous voir. Elles ont goûté et nous les avons raccompagnées jusqu'à la route.

Jeudi 7, 9h1/4 le matin - Me voilà installée à la table de la salle à manger je viens passer un petit instant avec mon cher journal. Renée étudie son piano, quand elle aura fini et que le salon sera balayé je m'y mettrai. Tous ces jours-ci je m'occupe de découdre des robes et des corsages. On m'a fait arranger deux chapeaux par une modiste de Pont St Esprit. L'un est un chapeau de feutre rouge garni de velours auquels on a changé le forme et ajouté des plumes noires, ce sera le plus habillé; l'autre est un ancien chapeau de Maman tout en velours prune garni d'un noeud de même couleur et d'une plume de coq; coût: 5f50.

Vendredi 15 Il est huit heures, nous venons de diner. J'ai fait un très bon diner soupe de lentilles avec du pain, raves à la sauce blanches, lentilles en salade, châtaignes bouillies, raisins, confiture de raisiné. J'ai écrit à Papa et je lui envoie un Monsieur à lorgnon que j'ai peint et dessiné.

Samedi 16 Cette après-midi, Monsieur le Curé, sa soeur, sa nièce et la petite fille de sa nièce, sont venus. On a pris du thé avec du lait et des tranches beurrées.

L'autre jour nous sommes allés chez les dames de Broches et de là chez la couturière essayer ma robe. Je lis un livre assez intéressant : Louis XVII.

Quelquefois mon Oncle nous fait la lecture pendant que nous nous occupons à nos travaux de couture, ces jours ci il nous lit la Guerre des Mondes ou les Marsiens sur terre. C'est un roman fantastique et fantaisiste. L'auteur, un anglais, suppose que les Marsiens sont descendu de leur planète dans des espèces de cylindre. Le cylindre se dévisse et l'on en voit sortir des êtres étranges. Ils sont d'une grandeur gigantesque, ont une figure plate, pas de nez, une bouche sans lèvres qui remue continuellement se trouve sous les yeux; puis des tentacules en forme de petits serpents se déroulent dans toutes les directions. Ces monstres géants ont un apareil incandescent qu'ils braquent sur tout ce qu'ils veulent exterminer. Hommes, arbres, villes sont consumés aussitôt qu'ils sont atteint par les rayons lumineux. Toutes les armées sont immédiatement sur pieds, mais les Marsiens se mettent facilement à l'abri des coups de canons.

 Mardi 19 -  Dimanche soir le Cousin Louis est venu diner avec nous. Nous avons fait à cette occasion Renée et moi, une crème à la chantilly, Renée a battu la crème, moi les blancs d'oeufs. Le Cousin nous a beaucoup parlé de ses enfants Kéké et Riri. Hier nous sommes allés chez Véronique, Renée lui a apporté un mouchoir brodé. Aujourd'hui nous avons fait une promenade charmante malgré la bise épouvantable qui souffle depuis samedi. Nous nous étions couvertes toutes les deux d'un bon manteau à capuchon qui nous faisait ressembler, Renée à une petit soeur des pauvres et moi à un moine bénédictin. Nous sommes allées vers lesiles par un petit sentier ongeant un ruisseau entre deux rangées de cannes, ce qui nous abritait du vent. Nous avons traversé des champs de vignes et de millets et nous sommes revenus par le chemin de la Paillasse, c'est alors que nous avons resenti le souffle de Borée et que nous nous sommes convaincus de la force de ses poumons. J'ai trouvé cette promenade très agréable, mais l'Oncle Edouard n'est pas du tout de cet avis. Lorsque nous sommes rentrés nous avons gouté, puis nous nous sommes mises à travailler; j'ai raccomodé des bas. Quand le jour a commencé à baisser j'ai dit mon chapelet au coin du feu et maintenant je me trovue à la table, la lampe allumée, faisant mon journal.

Vendredi 22 6h soir - Mercredi nous sommes allées à St Alexandre au mariage d'une des demoiselles Ligonès à 11h1/2.   

Jeudi nous partons vers 2 heures pour le Pont St Esprit, nous faisons diverses commissions puis nous allons chez la couturière essaer ma robe; je dirais comment elle est lorsqu'elle sera terminée. Après être allée chez la couturière nous sommes entrées à la chapelle de la Présentation, nous avons entendu un solo de Melle Amélie de Broches.

Après cette récapitulation des jours précédents, j'arrive à la journée bien remplie d'aujourd'hui. Je suis préssée je n'ai que le temps de dire que le matin j'ai étudié un heure le piano raccomodé des bas et l'après midi fait une promenade et cousu une robe bleue.

Dimanche 24 10h1/4 - Je suis allée à la messe à 7h1/2 parce qu'il n'y aurait eu personne pour m'accompagner à la grand'messe. Nous partons Mardi matin et nous n'avons pas mal de travail jusque là, Tante Marie m'a fait une jupe verte, l'étoffe a couté 8f et arrangé un boléro vert.  Je resterai quelques jours à Montpellier avec Renée chez nos Cousines qui ont eu la bonté de nous engager à venir chez elle, pour me faire auréfier les dents, le vent n'a pas encore cessé, il souffle toujours aussi fort et aussi froid. J'ai déjà quelques engelures. Renée écrit en ce moment à Mme l'Abesse de Pradines. Hier nous avons arrangé la musique que nous voulons emporter.

On vient de m'apporter ma robe, je ne l'ai pas encore regardée. J'ai écri à Grand'Mère Cord il y a 8 jours, ellene m'a pas encore répondu.

Comme ma destinée a changée depuis que j'ai commencé ce journal c'est à dire depuis que j'ai quitté St Laurent de Cerdans. Je me souviens de la réflexion que je faisais lorsque nous fimes un bail de 3 ans à la maison Lascoux : "dire que quand j'aurai dix-huit ans j'habiterai encore cette maison." C'est qu'il me semble toujours que je changerai beaucoup en quelques années  et pourtant je m'aperçois que je suis à peu près la même, j'ai cependant fait quelques progrès depuis 1 an, je suis plus raisonnable; et quand à cette détestable timidité, je la vois s'éloigner sans regrets. Je me propose de ne pas perdre mon temps à Ardouane, ce sont de véritable classe que je vais faire (j'en ai bien besoin du reste): histoire, grammaire, géographie, arithmétique, histoire naturelle, piano, dessin, couture et style. Voilà une longue nomenclature ferais-je tout cela?  IL va sans dire que je trouverais bien un moment pour mon journal, de temps en temps.

Nous sommes très bons amis et  je ne suis pas inconstante, sans compter que c'est un devoir de style et que ça m'apprends à réfléchir et à exprimer mes idée correctement.

Même jour 5h - Je reviens des vêpres  il neige depuis midi. Il y a bien longtemps que je n'avais vu la neige à cette époque et ici je ne l'avais jamais vue. Elle a surtout commencé lorsque nous étions chez Monsieur le Curé après les vêpres. Je n'ai pas été fachée de voir cette visiteuse annuelle, elle a fait retourner ma pensée en arrière, bien loin, à l'époque où nous étions à Cormeilles et où nous  allions, bravant le mauvais temps, faire de bonnes promenades au Mont-du-Bourg accompagnés de Tyrha. (Décidément, c'est la jouréne des souvenirs, mais je sais que mon journal ne se moquera pas de moi). Cormeilles... ce mot n'éveille en moi aucun regret mais une paix mélancolique. Je remercie Dieu de ce qu'il me donne en songeant à ce que j'avais et j'espère qu'il exaucera les prières que je lui adresse, le matin en m'éveillant et le soir en me couchant. Changeant mon ordre d'idées et bercée par l'audition de la Marche Hongroise jouée à quatre mains par Tante Thérèse et Renée, je vais faire la description de ma nouvelle toilette: boléro de drap marron, garni de deux bandes de velours de même couleur, chemisette en taffetas grenat toute plissées et garnie de guipure blanche, jupe à petits plis très plats, s'évasant dans le bas et bordée de trois bandes de velours; il faut dire que le velours, le drap et la guipure ont été pris dans une ancienne robe de Maman ce qui fait que la note n'a pas été trop salée.

 

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Commentaires
Claire (1886-1973)
  • Parfois le soir à l'heure où tout se tait un ange aux ailes d'or en passant vous effleure glissant dans l'ombre invisible et discret d'une voix caressante douce, il dit : "Du rêve voici l'heure"...
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